Souvenirs [PV. Pacte des Lionnes]

Au-dehors de la tanière, des oiseaux pépiait, traversait en quelques battements d'ailes le ciel nuageux. Il formaient un V, tranchant le ciel de plumages noirs. Là-bas, tous étaient unis, ensemble. Ainsi, les parents et leurs enfants pouvaient se retrouver, chaque année.

Mais en bas, les pattes lourdes et ancrées au sol, Patte Courte observait ce manège, enviant amèrement les rencontres des volatiles. Elle voulut presque les rejoindre : Perché ainsi, haut dans l'atmosphère, ils communiquaient certainement avec les membres des Etoiles... Et, si haut, ils ne ressentaient plus la noirceur malsaine émanant depuis quelques temps de la forêt...

Une bruine fine commença bientôt à couler le long des feuilles jaunis des vieux arbres. le vent accompagna cette intempéries relacha quelques feuilles abîmées de l'etreinte griffante de l'écorce d'un grand arbre. Des flaques grise s'étendaient ça et là dans la poussière du camp, et l'ancienne était seule au milieu de cette espace vide. Quelle importance.

En cette saison, tout est vieux et fatigué...

L'ancienne s'avança sur les sentiers parcourant le camp. La pluie redoublait d’intensément et fouettait la fourrure de Patte Courte. Ses pattes douloureuses la menèrent jusqu'à l'entrée de la tanière de Pacte des Lionnes. Même Toile d'Araignée n'était plus là.
La guérisseuse rangeait tranquillement ses plantes médicinales, à l'abri du déluge glacé.

"Bonjour", fit la vieille chatte d'un ton rêche.

J'était occupée a ranger mes herbes correctement dans ma caverne, a l'abri des trombes d'eau qui tombaient au dehors. J'interrompis un instant ma tâche regardant les arbres au loin. Leurs feuilles flanchaient, abattue par la pluie qui tombait fortement. Une silhouette attira mon attention au centre de la clairière, je fronça les sourcils comme pour y voir plus clair et reconnu Patte Courte une ancienne du clan. J'hésita a l’appeler, une ancienne dehors par ce temps, cela ne pouvait qu'accentuer les risques de rhumatisme et les douleurs d'articulations. Mais je savais au fond de moi que je ne devait pas déranger cette chatte, les anciens sont souvent ronchon et selon leur caractère mieux valait les laisser en paix plutôt que de les ennuyer. Je décida de l'ignorer, mais pas totalement, je gardais un œil sur elle et d'ici un petit moment je lui conseillerais de se mettre a l'abri.
Je n'eus pas le privilège de lui conseiller quoi que ce soit car elle vint d'elle même a ma rencontre.
-Bonjour, fit-elle d'une voix rêche.
Bonjour, lui répondis-je d'un ton posé et réconfortant, tout va bien malgré le temps que nous avons aujourd'hui ?lui demandais-je gentiment.
Je ne lui accordait que quelques regards, car je devais impérativement terminer de ranger mes plantes avant d'aller faire le plein de bourrache, de prèle et de tanaisie, tandis que mon apprentie cherchait de la grande camomille. Ses pattes semblaient trembler, elle avait visiblement froid, et était trempée jusqu'au os.

Un échange. Juste un. Un simple "Bonjour", et pourtant Patte Courte avait l'impression d'en avoir dit long. L'ancienne avait envie de parler. Pourtant, les mots s'échappaient de son esprit sans qu'elle puisse les formuler.
Ses pattes dégoulinantes de pluie grelotaient, peinant à porter le corps de la petite chatte. C'est à ce moment là qu'elle se rendit compte qu'elle avait froid. Elle était même transit. A la recherche d'un peu de chaleur, elle se rendit d'une démarche gauche au fond de la petite grotte et s'assit sur une petite motte de terre, soulagée de reposer son corps endolori.

Un long moment passa ainsi. Patte Courte essayait toujours de formuler sa pensée dans l'atmosphère calme de la caverne, tout en écoutant la pluie martelant la roche, le frottement des plantes et le souffle de Pacte des Lionnes. L'odeur douce, amer ou encore acide des plantes embaumait l'air de la caverne. Avec un peu d'imagination, l'ancienne pourrait sûrement se croire entre les arbres de la forêt, à la recherche de proies fraîches sous les arbres, à l'époque ou elle pouvait encore courir avec fougue.
Pourtant, de moins en moins serein, le silence devint pesant. La guérisseuse ne disait pas en mot, pensant certainement que l'ancienne voudrait être tranquille, ce qui était, pour couronner le tout, faux.
La vieille se sentait de plus en plus mal à l'aise dans sa nostalgie douloureuse.
Alors, seulement, elle dit, arrivant enfin à prononcer quelque mots :

"Dis-moi, comment vis-tu ton passé ?"

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