L'Ange (Conte)

L'Ange

Il était une fois, un petit garçon qui vivait dans une petite vallée avec ses parents. Personne ne s’approchait jamais d’eux, au village, on disait même que c’était une famille de démons. Les grands yeux noirs et inexpressifs du petit garçon, sur lesquels tombaient ses cheveux bruns, effrayaient plus encore les autres enfants de son âge, qui refusait tout contact avec lui. Parfois, il leur demandait s’il pouvait jouer avec eux, mais ils ne répondaient pas et allaient simplement jouer plus loin, laissant le petit garçon seul. Au fil du temps, l’enfant se renferma sur lui-même, si bien qu’on n’obtint plus de lui qu’un regard sombre qui devint même mauvais. L’aura terrifiante qui émanait à présent de lui effrayait tant ses camarades qu’ils ne l’approchèrent plus du tout. Bientôt, sa douleur d’être exclu se mua en une haine féroce envers ceux qui le fuyaient, si bien qu’il se promit de se venger.

Quelques années plus tard, alors que le petit garçon était devenu un jeune homme prêt à se venger, on vit arriver au village un jeune homme blond à l’air angélique et aux yeux océan. Chacun s’intéressa de très près à ce nouveau venu. Les femmes le trouvaient magnifique, les hommes, méfiants, voulaient savoir d’où il venait, et les jeunes de son âge, les plus intéressés, souhaitaient tout savoir de lui. En l’espace d’une petite semaine, l’ange blond était devenu l’attraction première du petit village et il était au centre de toutes les conversations. Pourtant, il ne s’intéressait qu’à une seule personne : le brun à l’air froid et renfrogné, le seul indifférent à son arrivée.
Il lui fallut près d’un mois pour lui faire décrocher un mot, et bien plus encore pour l’apprivoiser, mais cela fait, ils étaient devenus ce qu’on pouvait appeler des amis. Le brun n’était pas plus bavard, le blond pas moins souriant, mais ça leur convenait. En présence de l’ange, l’autre oubliait sa vengeance, même si l’idée était toujours présente au plus profond de son esprit.
Mais un soir d’hiver, le blond tomba malade. Selon les femmes du village, qui se relayaient à son chevet, on ne pouvait rien pour lui. Il resta alité une longue semaine, pendant laquelle son ami veilla sur lui. Puis les yeux bleus plongèrent une dernière fois dans les yeux noirs, avant que l’ange ne les ferme définitivement, quittant pour toujours le monde des vivants. Le brun ne pleura pas, ne parla pas, mais la tristesse se reflétait dans ses yeux sombres.

Quelques heures après la mort de son ami, il disparut, et le lendemain, le village brûla.